Balade entre baleadas

Jour 25. On s’en va. C’est un grand jour. Premier passage de frontière. Premier tampon de sortie, qui marque la fin du premier pays. Adios Guatemala ! Buenas Honduras !
On se perd à la frontière. Enfin on est un peu désorienté. Déjà, on est quasiment les seuls à passer les contrôles à pied. Bah oui, les bus publics s’arrêtent avant.
On croise pas grand monde. Des routiers qui siestent dans leurs hamacs. Des files impressionnantes de camions qui ont l’air d’être bloqués depuis des heures sous le soleil. Des grillages et des barbelés. La police. C’est très calme.
On voit la triste réalité d’un migrant, qui avait l’air d’avoir un peu perdu la boule, faire demi-tour vers le Honduras. On en a déjà croisé quelques-uns au Guatemala, qui faisaient la manche pour survivre. Dans certains cas, ils cherchaient à rentrer chez eux, sinon ils cherchaient à continuer pour tenter de rejoindre le Mexique, puis les États-Unis.
On passe la frontière. Même la douane guatémaltèque cherche à nous extorquer de l’argent. Problème principal de ce pays. Tout le monde veut vous prendre votre argent. Dommage.
On change vingts dollars, ainsi que nos derniers quetzals à la sauvette à un gugus habillé en bleu, qui nous donne nos premiers lempiras. Ils ont des billets de toute valeur. Ça fait des liasses impressionnantes, on a l’impression d’être au Monopoly. Alors qu’en vrai, un billet de un lempira représente quatre centimes d’euros.
On attrape un bus. Il nous déposera à notre première destination hondurienne. Roli’s place à Omoa. Qu’on trouvera non pas sans galérer.
En fait, y a pas d’adresse ici. Ou alors ça ressemble à ça: QXH4+78Q, Entrada a Playa, Omoa. Et comme on a pas encore appris à coder, on comprend pas cette langue. Et puis, c’est pas comme si les rues avaient des noms et des panneaux.
Non, sinon sur sa page Facebook, ça donnait: Omoa, quatre-vingt mètres avant le port de marine marchande. C’est imparable. On arrive au bon endroit, c’est le principal.
Ensuite. Par où commencer. Les deux chiens qui tentent de s’échapper dès qu’on ouvre le portail ? Non. Les cinquante poulets, les deux oies et les trois canards qui squattent le jardin ? Non plus. Les lézards qui font la taille d’un avant-bras qui se réchauffent au soleil ? Non, non et non.
Le putain de raton-laveur ! Il est attaché à un poteau, et heureusement ! Il manque de se jeter sur nous, griffes en avant. La propriétaire des lieux nous explique que c’est parce qu’il est très territorial et qu’on vient de le traverser. Ils l’ont recueilli quand il était petit, dans ce jardin, et depuis ce jour ils l’élèvent comme un brave toutou. Bah oui, normal.
Puis, voilà Roli ! En train de débroussailler les chemins en pierre qu’il avait dû poser il y a un moment. « On ne voit plus de backpackers » nous dit-il. Ça devait faire un moment qu’ils n’avaient pas loué de chambre.
« On pense que les premières cabosses seront mûres mardi ». On partira donc ensuite.


Jour 26. Grosse galère. La fête nationale, seul jour férié de l’année, a paralysé tout le village. En fait, les distributeurs de la ville sont tous hors-service, par manque de réapprovisionnement. Ok. Qu’est ce qu’on fait ? On a plus de lempiras, enfin juste assez pour prendre le bus. On file à une heure de route, dans une ville plus grande, un peu plus loin sur la côte, Puerto Cortès, pour pouvoir enfin retirer. Durée de l’opération, un bon après-midi.
On passe la soirée sur le ponton au bord de la plage. Coucher de soleil. Pêcheurs. Mer des Caraïbes. Salvavida. La pire bière jamais bue à ce jour est hondurienne.


Jour 27 et 28. Visite de la forteresse de Omoa. C’est l’ancien plus gros port espagnol d’Amérique centrale, qui menait à l’ensemble de la mer et offrait une position stratégique, tant bien commerciale que militaire.
Il fait une chaleur. On fond sur place.
On croise un fan de foot dans la rue en allant faire des courses. Il nous escorte en nous parlant du club d’Omoa, façon « un seul amour et pour toujours, racing club de … » On vous laisse compléter.


Jour 29. Cueillette de cacao. Quinze minutes à l’arrière d’un pick-up fou, conduit par le Sébastien Loeb local. On arrive à la finca . Première expérience en milieu hostile. Une humidité impressionnante. Une chaleur pesante. Des charges lourdes. Un dénivelé à peine grimpable. On dégouline. « Il fait même pas chaud » nous confie Roli. « D’habitude c’est pire ». Après avoir rempli huit sacs, on s’arrête. Trois heures intenses de cueillette. Et ici, après l’effort … Le Coca-Cola ! En même temps, le litre coûte autant que celui d’eau. Autant se bourrer de sucres.
On passe à toute la transformation des cabosses. On découvre un jus de cacao qui fermente depuis deux ans. Ça sent le vinaigre.
On avale quelques excellents pastelitos farcis d’une sorte de mérou haché, très chiant à travailler parce qu’il est plein d’arêtes.
Roli passera ensuite l’après-midi à nous montrer son proces’ de séchage et de torréfaction des fèves.

Pour en savoir plus sur le processus de fabrication du cacao, c’est par là!

Jour 30. On dit au revoir à Roli et Nelia. On attrape un bus jusqu’à Puerto Cortès, puis jusqu’à San Pedro Sula. Cette ville a la terrible réputation d’être celle qui possède le plus haut taux d’homicides au monde, hors pays en guerre. On doit forcément y passer, par le terminal pour changer de bus. Autre particularité, c’est la ville qui possède la station de transports en commun la plus moderne de toute l’Amérique centrale. Elle est sur-securisée. Bizarrement, on se sent beaucoup plus à l’aise au Honduras qu’au Guatemala. Les gens sont plus accueillants, ont l’air moins intéressés. Au niveau sécurité, on ne s’est jamais senti en danger dans aucun des deux pays.
On trace sur vers le lac de Yojoa. Sur la route, on découvre la pauvreté du Honduras. Un village entier recouvert par un fleuve qui a débordé, des routes inondées, des maisons dont seuls les toits dépassent de l’eau stagnante et brunâtre du Rio. Personne n’a l’air affolé, ça a l’air normal. Ou du moins, fréquent. Apparemment, le gouvernement agit lorsque cela survient. Par contre, il n’agit pas pour que ça ne se reproduise plus. C’est en quelque sorte une schizophrénie étatique. Comme un peu toute la zone. Même si, d’après nos échos, le Guatemala et le Honduras sont les deux pays du C4, qui englobe le Salvador et le Nicaragua, les plus stables politiquement.
En même temps, l’un a un président fanatique qui a tenté de créer Bitcoin City, en convertissant une grande partie de sa trésorerie basée sur des dollars en bitcoins et ce, juste avant l’effondrement de la cryptomonnaie. L’autre mène une guerre fantôme, contre le Honduras et le Salvador à propos de la territorialité de ses eaux, arrête ses opposants et ses critiques, censure les médias, agit en bon communiste à l’ancienne en véhiculant un anti-américanisme flamboyant et reste l’un des proches de Poutine durant ces temps de guerre.Fin de l’interlude politique.
On atteint le village de Los Naranjos. On dort dans un hôtel qui possède sa propre brasserie artisanale. Plus de Salvavida !
La nuit tombe. Soudain, on entend une voix derrière nous, qui sort de la pénombre.
« Non mais c’est pas possible, vous me suivez en fait. » Niko apparaît, sous les néons de l’abri qui servait de salle à manger. Tout comme nous, il vient d’arriver dans cet hôtel, accompagné de son frère Martin. Ces deux aventuriers, ingénieurs dans la vraie vie, ont commencé leur voyage par une modeste transatlantique en tant qu’équipiers sur un voilier. Après, c’est dans leurs gènes, leur papa ayant été skipper à la Réunion. Ce qui est marrant, c’est qu’on a à peu près les mêmes objectifs et les mêmes budgets. Bon, eux ça fait déjà huit mois qu’ils voyagent, ils ont déjà fait la Guyane, les Caraïbes, le Canada pour Niko puis ils se sont rejoints avec leur soeur au Mexique avant d’attaquer le Guatemala, où on les avait rencontrés sans vraiment se parler à Antigua, puis on avait rencontré Niko à Lanquín. Bref. On se rencontrera encore sans doute de nombreuses fois tout au long de notre périple jusqu’à Ushuaïa. Revenons-en à nos moutons.
Quoiqu’il en soit se rejoindre ici n’était pas du tout prémédité, mais c’est une chouette surprise. On savait que Niko était un chouette compagnon de voyage. Y a plus qu’à découvrir Martin, à présent !


Jour 31 et 32. Jour de courses. Tranquilité et traitement de photos au programme. On prévoit la suite du voyage.

Visite de Panacam. C’est le parc national de la zone. Dans la jungle, les montagnes, les nuages.
Par souci d’économie, on tente le stop. On se fait embarquer tous les quatre, à l’arrière d’un pick-up. On a jamais roulé aussi vite, en pleine ligne droite, les cheveux au vent. Ils nous déposent dans un bled au milieu de nulle part, bien loin de notre destination finale. On saute dans un tuk-tuk. Puis on commence la randonnée, escortés par l’armée hondurienne chargée de la sécurité du parc.
Entre humidité et chaleur puis orage, pluie et brume. Triste pour Martin de ne pas avoir trouver de k-way en ville. Quelques cris d’oiseaux nous accompagnent aussi. Un pic-nic rapide, juste après la pluie et on file amorcer la descente, trempée et glissante. Les petits ruisseaux ont débordé et se confondent désormais avec les chemins. Il faut faire gaffe à ne pas glisser, à défaut de rester au sec.
Sur le retour, on choppe un autre pick-up transportant des personnes chargées de l’entretien des arbres. Enfin, ils intervenaient surtout parce qu’il y en avait un qui était tombé sur des fils électriques. On voyage donc en nous tenant à un échelle fixée sur le toit de notre véhicule. On les remercie puis on prend le bus pour finir notre trajet. On ne peut pas clôturer cette journée de marche sans une baleada et une bonne bière artisanale. Ça me manque, la Guiness.


Jour 33 et 34. On voulait faire du kayak. Il pleut. Fin de journée.
Le lendemain. Départ pour Copan Ruinas. On repasse par San Pedro. Sept heures de bus bondé, chaleur.

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