Jour 1
On file à la gare pour acheter un billet de train, en remontant le flux incessant de travailleurs, lâchés par les immenses machines de ferraille qui s’arrêtent dans la capitale économique du pays: Mumbai. On fait la queue au guichet numéro 4, réservé aux touristes étrangers. Le monsieur français devant nous, sosie non-officiel de Christian Clavier, s’arrête net et, comme dans un épisode de « Qu’est ce qu’on a fait à Shiva ? » ou, pour les plus vieux d’entre-nous « les Bronzés au Taj Mahal », nous lance « il faut que vous demandiez le tatkal ! »
Tatkal, c’est les billets d’urgence, ça permet de contourner les quotas touristiques (bien que des touristes, on en compte sur les doigts d’une main) mais ça permet aussi de récupérer les places réservées mais non utilisées des fonctionnaires, militaires ou bureaucrates qui doivent effectuer des voyages pour le compte de différentes administrations ou pour servir leur pays.
Puis, le soir, on fête l’anniversaire d’Armelle au restaurant Masque, situé dans l’ancienne banlieue industrielle de Mumbai, au milieu de parkings en construction. Apparemment, il y a plusieurs endroits branchés autour de ce restaurant. Il est considéré comme le meilleur restaurant « gastronomique » d’Inde et 16è meilleur d’Asie par le guide 50 best. C’était intéressant, la cuisine était bonne, le service avait par contre un peu de mal. Mais pour l’Inde c’est énorme. Un accord avec des vins internationaux qu’on finit par annuler parce que les vins ne sont pas bons, du tout. On se rabat sur les vins indiens, plus précisément de la vallée de Nashik à l’est de Mumbai, surprenants! Surtout ce riesling très sec du domaine Valloné, qui travaille en utilisant peu de pesticides et peu d’ajout de souffre (après, on sait pas ce que ça signifie pour l’Inde). Bon, ça restait quand même pas exceptionnel.
Jour 2
Six heures de train. Les enfants indiens sont mal élevés. Arrivée à Aurangabad. Christian Clavier manque de tuer un chauffeur de tuktuk qui essayait de gonfler ses prix. Faut dire que le mec force le respect, c’est un baroudeur à l’ancienne, mais un vrai de vrai. Ça fait 20 ans qu’il vient en Inde chaque année, il sait pas où il va, il s’en fout. Il fait nuit, il n’a pas d’hôtel réservé, il refuse de prendre un taxi après une sale histoire à Mumbai. Fringué comme un médecin parisien, petite chemise, jeans, les tongues en plus, il nous salue. Il part en direction du bidonville qu’il va traverser à pied pour essayer de trouver une piaule. Un vrai Chuck Norris du Lonely planet. Il est toujours vivant, on l’a vu le lendemain.
Jour 3
Réveil sur Aurangabad. Cette ville, c’est juste l’Inde profonde en fait. On s’en était pas encore rendu compte mais on arrive dans l’Inde dure, la vraie, celle qui peut hanter les touristes, celle qui fait son charme aussi. Soit on l’aime, soit on la déteste, on nous avait prévenu.
Aurangabad, c’est ses maisons en tôle, en tissus et en brique brune dans une majeure partie de la ville, des eaux stagnantes à faire passer une odeur d’égout pour le nouveau parfum Lancôme (quand ça pique les narines et les yeux en ayant le nez bouché, c’est que c’est fort !), ses décharges publiques où l’on brûle les déchets sur le bord du chemin, entre un chiot fraîchement mort et son aîné qui a déjà les entrailles décomposées, non loin d’un stand de poissonnier, poissons coupés en deux, la chair au soleil et de l’encens qui brûle au beau milieu pour faire fuir les mouches. Et oui, l’Inde, c’est beaucoup d’odeurs.
Laissons les odeurs, allons vers le Beau. Un réveil à 5h30, direction la gare de bus locale en se bouchant le nez pour passer la rivière de l’enfer. On esquive les taxis harceleurs « non, non, y a pas de bus pour votre destination »; « oui, oui, bisous ». Finalement, on trouve notre moyen de locomotion jusqu’aux ruines d’Ellora, un vieux bus aux vitres en plexi brunies par le temps, la poussière et le soleil. Quelques braillements en hindi et d’airs perplexes plus tard, le bus nous dépose sur le bord de l’autoroute. On fait le chemin à pied avec un couple d’indiens du Gujarat, venu lui-aussi pour visiter les ruines.
On visitera ensuite les ruines pendant trois bonnes heures. Elles sont constituées d’un complexe de 32 temples creusés dans la roche. Il s’agit par ailleurs de la plus grande structure monolithique du monde et est un haut-lieu de pèlerinage hindou.
C’est apparemment aussi un haut-lieu de largage de bus de chinois. En les fuyant, on commence par les temples les plus éloignés du site principal, ça nous a permis d’être quasiment seuls pendant la majeure partie de la visite. On rentre tôt, il fait très vite extrêmement chaud.
Jour 4
On traverse la ville en marchant, direction la reproduction en petit du Taj Mahal: Bibi Ka Maqbara. Cette version a été créée par un prince en hommage à sa mère, dont la tombe se trouve au centre du temple.
On part déjeuner dans notre cantine végétarienne depuis notre arrivée, Ashoka, à côté de notre hôtel, avant de partir en bus couchette direction Ahmedabad.
Jour 5
Après les réveils sonores, les réveils lumineux, découvrez dès à présent les réveils olfactifs. Après nos quinze heures de bus, à l’entrée de la ville, une odeur infâme pénètre la ventilation du bus. D’où vient-elle ? D’un amoncellement de déchets bien sûr. La déchèterie est en fait un véritable terril de trente mètres de haut entièrement composé … de merde. On a la tête dans le cul, le bus nous dépose nulle part. On marche parce qu’on en a marre de se faire harceler par des tuktuks et puis on a la flemme de se faire arnaquer. Nos affaires déposées, on fait une sieste, on file à la gare pour réserver un billet de train. Attraction du jour: rester bloqués un quart d’heure à un carrefour parce que tout le monde veut avancer et personne ne veut reculer pour fluidifier. Fin de journée, mosquée, poulet tandoori, au lit.
Jour 6
Debout à cinq heures, on arrive à la gare. Personne n’a vu le trajet, c’est épuisant de voyager ! On est désormais dans le Rajahstan, à Udaipur pour être précis. Celle-ci est connue pour être la cité blanche et la ville romantique de la région. À vrai dire, romantisme qui égale le marché de Noël de Strasbourg, il faut s’écarter un peu du centre pour se souvenir qu’on est en Inde. Heureusement qu’on est hors saison touristique, j’ose pas trop imaginer comment ça aurait été sinon. La guesthouse est sympa, par contre. L’autre point positif c’est qu’on a perdu toute odeur nauséabonde dans les rues. Mais le point négatif est qu’on mange mal et pour trois fois plus cher. Dramatique.