Jour 44.
On a décidé de rejoindre Serge, le québécois qu’on a rencontré à Tikal au Guatemala. Il a chuté à moto lors de sa traversée panaméricaine et a été opéré à la suite d’une fracture de la clavicule. Un mois de pause dans son voyage. Et de la rééducation. On va lui rendre visite à San Miguel, dans le sud du Salvador. Son hostel est vraiment top en plus. On fait trois rencontres très cools. La première, Osvaldo, le gérant/réceptionniste/guide de montagne/gentil organisateur qui habite sur place et qui est tout le temps disponible.
La deuxième, Quentin qui est tombé amoureux du Salvador et qui rêve d’ouvrir un hostel ici. La troisième, Roberto comme il a été surnommé, un autrichien qui squatte parce qu’il n’a plus le droit de sortir du pays à la suite de son extension de visa et qui doit attendre un bon mois avant de pouvoir prendre un vol pour la Colombie. Les deux derniers sont volontaires ici depuis un bout de temps. D’ailleurs, on nous a aussi proposé de le devenir. On y réfléchit et on va discuter de la faisabilité du projet. Une chose est sûre, on va rester un petit moment dans le coin. On se sent bien et il y a des choses à faire.
On a un premier craquage. Le premier fast-food du voyage. Et c’est un burger king. Et là, tout s’explique. On découvre pourquoi les gens sont tous obèses, en voyant le prix des menus. On prend chacun un burger, une portion de frites, des sauces à pouvoir tout noyer dessous, 6 nuggets et un coca… Treize dollars. Le prix d’un seul menu en France, sans les nuggets. CQFD comme disent les scientifiques.
Jour 45 et 46.
Billard et cuisine. Passage à la plage d’El Cuco. Le trajet prend entre une et deux heures. Ça dépend de combien de temps le bus met à sortir de la ville. On arrive à la plage. Le temps de manger un truc, se promener un peu au bord du Pacific mais il est déjà l’heure de rentrer. Les derniers bus partent à seize heures. Puis El Cuco c’est des complexes hôteliers, des resorts pour surfeurs et américains, souvent les deux. Mais apparemment c’est moins pire qu’à La Libertad, la plage de San Salvador. Mais ça a été l’occasion pour nous de voir le Pacific pour la première fois du trip et ça c’est cool ! Plages à pertes de vue, quelques vagues sympas et un soleil qui tape, presque quarante degrés ressentis. On crame puis on rentre.
Jour 47.
Serge revient de son rituel matinal. Marcher. Et que rapporte-t-il avec lui ? Une french press.
« T’as trouvé ça où ? On en a marre de boire du café dégueu, nous ! » Allez zou, on file direction le mall de la ville, une bonne balade d’une heure, le long de l’artère principale, sans vraiment de trottoir. On arrive chez Siman. Qualité américaine, hors de prix. C’est pas grave, on pourrait tuer pour avoir du café potable. Ras-le-bol des gens qui chauffent l’eau avec une cafetière pour ensuite la verser sur du café instantané. Et c’est globalement frustrant de voyager sur l’une des meilleures terres de production, sans jamais pouvoir y goûter.
Jour 48.
On attend l’ouragan Julia. Aucune activité de sortie n’est disponible. Le pays sera bloqué demain. Nous qui voulions aller au volcan. Tant pis, on en verra d’autres sur la route. Et la frontière avec le Nicaragua est fermée à cause de la tempête. On va rester deux jours de plus ici, et puis on s’est fait des potes ça sera pas l’enfer. On a un billard, du café, des cartes et de quoi cuisiner.
L’après-midi, on va visiter le cimetière de la ville qui est très beau, très coloré. On s’interroge sur la présence d’immigrés allemands et italiens à la fin du dix-neuvième siècle, tout début du vingtième. La vague réponse qu’on aura des locaux, c’est qu’il y aurait eu une sorte de conquête de l’or et de métaux précieux au Salvador à cette époque.
L’autre interrogation, c’est le nombre de jeunes soldats morts dans les années quatre-vingt-dix, mais la réponse est plus simple à trouver. Le Salvador est un pays qui s’est réellement ouvert au tourisme il y a cinq ans. Avant, c’était une sorte de guérilla urbaine permanente. Il fallait payer son droit de passages à chaque changement de quartier contrôlé par une mara. Et il fallait être connu de celle-ci, sinon vous risquiez de vous faire tuer même si vous payiez, même si c’était pour accéder à une terre que vous possédiez.
Sortie nocturne
Avec Quentin et Robert, on se fait accueillir à la sortie de l’hostel par un pote du patron, complètement saoul qui veut nous emmener dans un de ses endroits favoris. Let’s go.
On arrive dans un espèce de petit comedor tout sombre. Que des mecs. Tous à moitié bourrés de la variété salvadorienne en fond. Puis ça change. Ils avaient envie de samba. Pourquoi pas. Puis reggaeton. Le temps de finir notre bière, on s’éclipse. On marche de nuit dans les petites rues de San Miguel à la recherche d’un bar. Et de retour sur la rue principale, surprise. A l’étage d’un immeuble, une terrasse ! D’une brasserie artisanale locale ! On débat du port du masque local, de rythme de vie, de politique locale puis on décide d’aller en boîte. Enfin, d’essayer.
Premier essai. On entend de la musique forte en rooftop d’un hôtel de luxe sur la rue principale. Donc, on va voir le gardien, on lui dit qu’on aimerait aller à la soirée, on prend l’ascenseur jusqu’au cinquième étage. On arrive aux entrées. C’est réservé aux clients de l’hôtel. On aurait dû dire qu’on avait des chambres ici.
Deuxième essai. On arrive à une boîte de nuit un peu pourrave. Néon fuchsia. Un videur. L’entrée est chère mais il y a trois boissons incluses. Soit. Mais ça passe pas, on est en tongues. On rentre à l’hôtel. On se consolera avec une partie de billard.
Jour 49 et 50.
Jours pluvieux, jours venteux, jours heureux. Boeuf bourguignon party. Ça mijote, ça mijote. On troque les vins chiliens et argentins pas bons contre un bras et un rein. Le vin de cuisine coûte quatre dollars. Aussi cher que la livre de boeuf. Mais l’ambiance prime. Huit personnes, six pays différents, l’occasion de mixer les cultures entre elles, de partager des anecdotes de voyage, de parler quatre langues différentes, d’échanger sur les plans futurs, ce qui a plu à chacun, de montrer quelques photos et surtout au centre des blablas, le passage frontière au Nicaragua qui est dans toutes les têtes. Apparemment l’un des plus galères d’Amérique centrale, des fouilles de bagages de A à Z et une bureaucratie chaotique de bout en bout.
Au moment où on écrit ces lignes, on est au Nicaragua donc on va attendre de sortir du pays pour parler plus en profondeur de la politique interne, on peut risquer gros même en tant que touriste. Mais ça promet pour la suite. Surtout que, pour l’instant, le poste frontière, lui, est sous l’eau. Donc on attend. Encore deux jours.
Jour 51.
Encore une sortie nocturne mais raisonnable. On part le lendemain, debout cinq heures !