Quand on parle de cigares, tout le monde pense à Cuba. Et plus précisément aux havanes, éponymes de la capitale cubaine. Mais les puros, comme ils sont nommés en Amérique centrale, sont une grande spécialité d’ici et là. En effet, le Nicaragua est la capitale centrale américaine du tabac à cigares. Ils sont majoritairement produits au nord, où pousse leur tabac, dans la région d’Estelí, bien plus humide et fraîche que le reste du Nicaragua.
Elle est également connue pour l’une de ses formations géologiques les plus impressionnantes, le canyon de Somoto. De plus, on en retrouve dans les pays limitrophes, comme le Costa Rica ou le Honduras. Mais aussi plus au nord, au Mexique dans la région de Veracruz, jusque bien plus au sud, en Colombie et en Équateur. Ici, nous présenterons la fabrique de Doña Elba, à Granada, dans le sud du Nicaragua.
Petit zoom sur ce geste artisanal qu’est le roulage des cigares.
Avant de commencer à lire, il est à rappeler que cet article est à destination d’un public averti et majeur dans son pays. Fumer nuit gravement à votre santé et à celle de vos proches.
Un peu d’histoire sur la fabrique
Doña Elba est fondé en 1996 par Silvio Reyes. Celui-ci est décédé en 2012 et c’est sa femme, Jennifer Sandino, originaire d’Estelí, qui reprend alors les rênes. Elle supervise le travail de cent employés qui roulent plus de 100 000 cigares par année dans deux fabriques différentes. En effet, la première se situe dans la capitale des cigares au Nicaragua et la seconde, celle que nous avons visité se trouve à Granada. C’est dans cette dernière que sont roulés les cigares dits « Premium » et que nous avons eu l’occasion de déguster.
L’anatomie d’un cigare
Un cigare de qualité contient différents composants et plusieurs tabacs, qui ont souvent des provenances différentes.
- La cape: c’est la feuille qui compose l’extérieur du cigare. C’est elle qui donne l’attrait visuel du cigare. En effet, on a tendance à sélectionner les feuilles de tabac de couleur uniforme et bien nervurée, afin d’attirer l’oeil sur un cigare visuellement parfait. C’est aussi la cape qui va influencer une grande partie du goût. Pour cela, on utilise des feuilles de très haute qualité.
- La sous-cape: c’est la structure même du cigare. Ce sont des feuilles de tabac qui auraient pu servir pour la cape mais qui présentent de légers défauts, comme un excès de nervures ou une uniformité de couleur hasardeuse. Cependant, ce sont les feuilles situées sous la capes qui vont permettre le maintien de toutes les feuilles intérieures. Un bon maintien permet une cendre qui reste bien en place et est signe d’un cigare de grande qualité.
- La tripe: c’est le coeur même du cigare. On parle de tripe longue quand il s’agit de feuilles entières et de tripe courte pour du tabac haché. Les cigares de plus grande qualité sont faits de tripe longue, ce qui assure une belle cendre qui se tient. De plus, la tripe est la partie qui va influencer au plus le goût du cigare. Et c’est grâce à un savant dosage empirique, que l’on peut en faire varier la puissance.
Le terroir du Nicaragua et son influence sur le goût du cigare
Pour les cigares aussi, à l’instar du vin, on parle de terroirs.
Ici, on va se concentrer sur trois tabacs différents, utilisés par la fabrique Doña Elba.
Pour les capes, cette fabrique artisanale utilise de nombreux types de tabac, qui ont des provenances différentes et qui procurent tous une singularité au cigare roulé.
- Pour les cigares les plus légers, ils utilisent un tabac d’Équateur, dont les graines proviennent du Connecticut, aux États-Unis. C’est une cape fine et claire, qui permet de ne pas donner trop de puissance à la dégustation.
- Ensuite, on retrouve un tabac très foncé. Le Pennsylvania Oscuro est également originaire des États-Unis mais pousse désormais très bien au Nicaragua et est produit par cette fabrique autour d’Estelí. Il est utilisé pour la conception des cigares premium, assez légers avec un arôme de chocolat.
- Puis celui de la Jalapa Valley, d’une couleur rosée, est en quasi-exclusivité pour Doña Elba et est utilisé dans la fabrication de cigares de qualité en donnant un arôme épicé, poivré.
L’intérieur des cigares est exclusivement roulé à la main avec des tabacs du Nicaragua qui proviennent de la région Nord du pays. Il s’agit souvent d’un assemblage de quatre ou cinq tabacs différents.
Cette fabrique artisanale ne roule uniquement que des tripes longues, c’est-à-dire des feuilles entières qui sont superposées. Les cigares sont ensuite pressés trois fois. La première fois pendant des heures, puis ensuite vingt minutes, puis à nouveau vingt minutes. Cela assure au cigare de ne plus bouger.
Le séchage et la maturation du tabac à cigare
L’importance du séchage
Une fois cueillies, les feuilles de tabac sont mises à sécher à l’air libre, dans des sortes de cages, souvent en pleine rue, sous le soleil battant d’Estelí, devant les fabriques. Il s’agit d’un processus important car c’est lors de ces séchages naturels que la chlorophylle va se libérer et va entraîner la décomposition des sucres, des protéines et surtout de la nicotine.
En effet, c’est le séchage qui va permettre de modifier les composés chimiques de la feuille de tabac fraîche. Les feuilles brunissent, par dégradation de la chlorophylle en carotène. Elles perdent leur eau, et c’est en mûrissant sur plusieurs semaines que les feuilles vont obtenir la couleur souhaitée. En fonction, bien sûr, de sa destination et de son rôle à jouer dans le cigare.
L’importance de la maturation
A Doña Elba, les feuilles de tabac vont subir une maturation en chambre qui sera plus contrôlé qu’une fermentation naturelle. En effet, grâce à un suivi rigoureux à l’aide d’un thermomètre et d’un hygromètre, on va pouvoir développer exactement les arômes souhaités et approfondir la couleur voulue. C’est un travail extrêmement précis, qui va durer plusieurs mois mais qui permettra une qualité régulière sur le long terme.
S’y rendre
Dans ce cas, quel autre endroit du voyage que le Nicaragua pour commencer une cave à cigares ?